Immobilier, ces "frais de notaires" qui freinent la mobilité
Communément mais improprement appelés « frais de notaire », les droits de mutation sur une transaction immobilière dans l’Hexagone – on parle précisément de droits de mutation à titre onéreux ou DMTO (voir encadré) – s’élèvent à 8 %. Il s’agit donc de ce que doivent payer les acheteurs d’un bien immobilier aujourd’hui en France. « A leurs niveaux actuels, déplore Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier en crédit Cafpi, les droits de mutation constituent donc une part significative de l’achat et sont de nature à compromettre des acquisitions. » Il y a une vingtaine d’année, souligne le responsable, « les DMTO étaient deux fois moindres. Calculés en pourcentage du prix du bien acheté, ils ont considérablement augmenté en valeur absolue, de l’ordre de 180 % en moyenne depuis 2000. »
Au rythme de l’inflation du marché et sauf sur les marchés immobiliers les plus tendus, précise-t-il, « il faut aujourd’hui en moyenne de 6 à 7 ans pour réussir à neutraliser ces droits, par le mécanisme de la plus-value, une période pendant laquelle les acquéreurs n’ont donc pas intérêt à changer de logement, réduisant d’autant leur possibilité de mobilité. » En outre, quand le bien est financé à crédit – la majorité des cas -, la plupart des banques demandent que les ménages financent ces frais sur leurs fonds propres. Par exemple, pour un achat à 200.000 euros, il faudrait donc débourser de son épargne personnelle 16.000 euros, ce qui est conséquent.
Où et pourquoi déménage-t-on ?
61 % des ménages mobiles changent de commune, révèle la dernière étude Insee, parue le 21 février 2017, sur les conditions de logement en France. Les mouvements, inter ou
intra-communaux, sont loin d’être uniformément distribuées dans l’espace. La mobilité est la plus importante dans quelques zones de forte activité et/ou d’attractivité, soit dans les
communes proches des littoraux atlantiques et méditerranéens, dans le centre et le sud-ouest de la Bretagne, dans tout le Sud-Est, en Île-de-France et dans le nord du bassin parisien.
Ces espaces dynamiques connaissent le plus fort renouvellement de leur population.
A contrario, les communes les plus pauvres – plus enclavées, éloignées du marché de l’emploi – connaissent moins de départs. Par ailleurs, le taux de mobilité est de 8,2 % pour les
propriétaires, de 20,8 % pour les locataires du secteur social et grimpe à 48,5 % pour les locataires du parc privé (secteur libre).
Pourquoi change-t-on de logement ? L’arrivée d’un enfant et encore plus à partir du deuxième enfant ou plus, une mise en couple comme une séparation ou un divorce, un décès – l’impact
du veuvage sur la mobilité étant toutefois moins important pour les propriétaires – ou encore la modification de la situation professionnelle d’un des membres du foyer.
Freins à la mobilité
Un frein à la mobilité que dénonce aussi le réseau d’agences immobilières Orpi (1200 points de vente) dans une récente étude menée avec OpinionWay sur la question de la mobilité
résidentielle pour des raisons professionnelles. Si les Français démontrent une réelle appétence dans ce contexte pour déménager et s’installer ailleurs, la question des frais de
notaires entrave pour partie ce désir. Ainsi, d’après l’enquête, plus de quatre Français sur dix affirment que le poids des frais de notaire les retiendraient de déménager pour une
opportunité professionnelle, sachant que 16 % déclarent « oui, tout à fait » et 28 %, « oui, plutôt ». A cette entrave à la mobilité s’ajoute aussi un frein supplémentaire, celui de
la fiscalité locale. « A l’instar de ce que l’on voit dans un autre domaine, celui de la performance énergétique du logement, observe Bernard Cadeau, président d’Orpi, les acheteurs y
sont de plus en plus sensibles. Alors que son poids augmente globalement, elle devient un élément marqué de leur choix, en matière de mobilité, la notion du reste à vivre étant de
plus en plus mise en avant. »
A noter par ailleurs que le taux de 8 % des droits de mutation sur une transaction immobilière française figure parmi les plus élevés d’Europe. Seule la Belgique a instituée des droits encore plus élevés à 14,4 %, « mais son système est un peu différent », nuance Philippe Taboret. En Autriche, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, l’équivalent des droits de mutation coûte 2 %. La Suède se contente de 2,5 %. En Bulgarie, cet impôt varie de 2,5 % à 4 % pour les transactions les plus élevées. Le même mécanisme progressif existe en Tchécoslovaquie. Les Italiens sont quant à eux prélevés à hauteur de 3,5 % et les Allemands de 6 %. Les Portugais, pour leur part, se rapprochent des Français, avec des droits compris entre 6 % et 8 %.
Les « frais de notaire » à la loupe
La somme que l’on verse au notaire, que l’on nomme communément et improprement « frais de notaire » comprend en réalité : les taxes reversées au Trésor Public, les déboursés, et la
rémunération au titre du service notarial (charges de l’office notarial, collaborateurs et notaires). On doit plus justement parler des droits de mutation à titre onéreux (ou DMTO).
Dans les faits, le notaire ne perçoit qu’entre 1,5 et 2,5 % en fonction du prix du bien.
Les « frais de notaires » se décomposent donc de la façon suivante : – les taxes (environ 8/10e des frais, qui vont à l’Etat et aux collectivités locales). Ce sont les sommes que le
notaire est tenu de percevoir et de reverser à l’Etat pour le compte de son client. Elles varient suivant la nature de l’acte et la nature du bien. – les déboursés (1/10e) : il s’agit
des sommes acquittées par le notaire pour le compte de son client et servant à rémunérer les différents intervenants et/ou à payer le coût des différents documents, ainsi qu’à régler
les frais exceptionnels engagés à la demande du client (ex. certains frais de déplacement). – la rémunération du service notarial à proprement parler (1/10e).
Parce que le notaire remplit une fonction d’intérêt public, la rémunération au titre du service notarial est strictement réglementée et fait l’objet d’un tarif. Le tarif à proprement
parler comprend donc : – des émoluments proportionnels et fixes (fixés par décret et arrêté) pour tous les actes et formalités pour lesquels les pouvoirs publics l’ont décidé (ex. :
contrats de mariage , donations, partages, ventes, prêts, etc..). – des honoraires pour tous les actes dont le décret prévoit que la rémunération est librement convenue entre le
notaire et son client (ex. : baux commerciaux, actes de sociétés, négociations immobilières, consultations détachables etc…).
Source : Notaires de France, Cafpi